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Des stations-services réunionnaises sanctionnent illégalement leurs salariés

Du fait que La Réunion connait un taux de chômage record avec 32,9 % contre 7,1 % pour la France métropolitaine selon l’Insee, les demandeurs d’emploi à La Réunion n’ont pas trop le choix que de répondre à des offres qui ne correspondent pas à leurs souhaits ou qualification selon les cas.

De plus, face à cette situation alarmante et catastrophique, d’aucuns chez les employeurs n’hésitent pas à recruter du personnel bon marché et sans qualification au travers de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation pour faire tourner leurs business.

Parmi ceux-ci bon nombre de stations-services à La Réunion  proposent donc des contrats à durée déterminée à des jeunes et moins jeunes soit titulaires de diplômes mais sans expérience professionnelle, ou pire, soit sans diplôme et sans expérience professionnelle.

Dans les deux cas, rares sont ceux qui connaissent ne serait-ce une once de leur droit salarial. Une aubaine donc pour certaines stations de l’île d’appliquer des règlements intérieurs non écrits qui vont à l’encontre de la loi et notamment du Code du Travail.

Et qui dit non écrit, dit supposé non connu de l’Inspection du Travail (qui n’inspecte rien à La Réunion), ni de la Direction de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DEETS) qui se terre dans ses bureaux de la préfecture. Le terme « supposé » est bien approprié car on sait pertinemment qu’à La Réunion tout est su à ceci près que souvent les organismes sont de connivence avec les employeurs et ferment de ce fait leurs yeux sur les dysfonctionnements au sein des entreprises dès lors que le taux de chômage est en baisse et fusse-t-il au détriment des lois républicaines.

Ainsi, d’après une enquête que nous avons mené auprès d’individus embauchés dans les stations-services de l’île d’aucuns nous ont rapporté qu’ils étaient sanctionnés pécuniairement et ce qu’ils soient ou non à l’origine de fautes.

La loi est pourtant claire à ce sujet puisque le Code du Travail fait savoir en son article L1331-2 que « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».

Entendons que constitue la sanction pécuniaire toute mesure affectant directement ou indirectement la rémunération prévue par le contrat de travail de la personnes ayant fourni une prestation dans le but d’un salaire.

Ainsi donc les mesures directes comme les amendes ou les mesures indirectes comme pouvant avoir des incidences sur la rémunération du salarié sont strictement interdites.

Pourtant, plutôt que de concourir à des sanctions pécuniaires, le patron a, à sa disposition un arsenal de mesures autorisées par la loi notamment, l’avertissement et le blâme qui n’ont pas d’incidence sur la présence du salarié au sein de l’entreprise et ni sur son salaire et qui relèvent d’une sanction mineure ou encore la mise à pied qui en interdisant au salarié d’être dans l’entreprise lui prive d’une partie de sa rémunération, ou encore la rétrogradation,  la mutation de poste ou géographique ou le licenciement pour cause réelle et sérieuse ou pour faute grave ou lourde.

Si d’aucuns parmi les employeurs, faute de maitriser les textes législatifs, pensent être dans leur bon droit en appliquant des sanctions pécuniaires alors que cela – rappelons-le – est strictement interdit, d’autres sont plus vicieux et semblent connaitre que leurs agissements en ce sens sont totalement illégaux.

Pour se couvrir en cas de plaintes de leurs salariés – qui parfois se révoltent et doutent du bienfondé de la mesure prise par leur supérieur – certains gérants de stations ont trouvé la parade en imposant l’ouverture en interne d’un compte consommateur de leurs salariés.

Ainsi, lorsque le chef d’entreprise juge que son collaborateur a fauté, il inscrit un montant sur ce compte pour le déduire à la fin du salaire du travailleur en prétendant que ce dernier a consommé en interne. Ceci bien entendu est encore une fois strictement interdit.

Parmi les témoignages recueillis auprès de travailleurs, certains disent avoir vu leur maigre salaire fondre jusqu’à 600 € alors qu’ils ne touchaient guère que 800 €.  

Pour illégales que soient ces mesures se rajoute un autre grief au sein de ces stations-services. Celui-ci consiste à sanctionner l’ensemble des collaborateurs lorsqu’une faute a été commise par un seul d’entre eux.

Bien qu’il ne soit pas interdit de sanctionner collectivement des salariés et d’individualiser la sanction si on se réfère à la Cour de Cassation qui énonce « S’il est interdit à l’employeur, à peine de nullité de la mesure, de pratiquer une discrimination au sens de l’article L.122.45 du Code du travail, il lui est permis, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute. » (Cass. soc. 1er février 1995.), il n’en demeure pas moins que dans le cas des témoignages reçus, les fautes commises ne sont pas collectives mais bien individuelles.

Ainsi plusieurs salariés d’une station ont été menacés d’une rétention d’une partie de leur salaire suite à l’erreur commise sur la piste par un de leur collègue qui s’était trompé entre du gasoil et du sans plomb lors d’un plein ce qui a eu pour effet d’immobiliser la voiture quand d’’autres l’ont été suite à une erreur de caisse faite individuellement ou suite au non-paiement du carburant par le client ou suite à la mauvaise programmation des pompes raconte un de nos interlocuteurs.

Non seulement la sanction pécuniaire est interdite de manière individuelle mais encore plus de façon collective et ce d’autant plus qu’il appartient au chef d’entreprise de démontrer la faute commise par son salarié et de respecter une procédure dans la mise en place des sanctions.

Faut-il rappeler à ces entreprises réunionnaises peu scrupuleuses du droit du travail que la Cour de cassation dans son arrêt du n° 89-43.162 du 2 décembre 1992 n’a fait que confirmer et  l’interdiction de telles sanctions et les dispositions relatives aux mesures disciplinaires.

Au cas où elles ne le sauraient pas, quand bien même que les personnes sanctionnées de façon illégale n’osent en général se défendre faute de connaître leurs droits ou en parler si ce n’est de façon anonyme par crainte de représailles, les entreprises concernées s’exposent en cas d’infraction à cette interdiction à une amende de 3 750 euros (art. L. 1334-1 du Code du travail) et 7 500 euros en cas de récidive.

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