La Réunion : l’île déchue derrière le miroir aux alouettes
La Réunion, département français situé dans l’Océan Indien, représente un pôle satellitaire pour la France hexagonale.
Peuplée depuis 1663, elle n’a cessé de croître, au point qu’en 2024, sa population atteint 885 700 habitants. Un chiffre qui pourrait bientôt dépasser le million.
L’économie de l’île repose principalement sur la culture de la canne à sucre et le tourisme.
Sur le plan commercial, les publicités dépeignent une île idyllique, avec ses forêts tropicales, ses cascades, ses montagnes à couper le souffle, ses parcours de trail très prisés, et ses plages de sable noir ou blanc. On nous vend une vie harmonieuse entre les diverses communautés qui y vivent.
Mais derrière ces clichés de carte postale, la réalité intérieure est bien différente. Le taux de chômage atteint les 17 %. Une situation insoutenable qui, aujourd’hui, pousse certains natifs, guidés par des politiciens, à accuser les primo-arrivants d’être responsables de leur malheur. Par ailleurs, les valeurs du vivre-ensemble sont aujourd’hui confrontées à un repli sur soi. Les différentes communautés ne se mélangent plus comme auparavant, et les plus aisés renouent avec ferveur avec leur culture d’origine, exprimant un mépris ouvert envers ceux qui se sont fortement créolisés.
Le racisme s’installe de plus en plus, avec des slogans comme « Zoreils dehors » ou « Cormoriens dehors ». Lors des dernières élections, le RN, parti d’extrême droite, est arrivé en tête dans toutes les circonscriptions. Dans la 3e circonscription, ce parti a même décroché un siège, grâce à la lâcheté des candidats en lice, incapables de donner des consignes de vote claires pour éviter le pire. Des villes comme Le Tampon, L’Entre-Deux, Cilaos, et La Rivière ont donné leurs voix à un parfait inconnu dont l’image était reléguée en bas de l’affiche, où figuraient en grand les portraits des leaders du parti d’extrême droite.
La situation est explosive. Les élus n’arrivent plus à contenir une partie de la population qui parvient à s’immiscer dans des réunions sans invitation.
La corruption gangrène le monde politique. « À La Réunion, tout le monde connaît tout le monde », nous confiait récemment une future candidate aux élections municipales. Et les arrangements se font dans les coulisses. Tout s’achète et tout se vend à La Réunion.
La sphère politique est tellement corrompue que certains ne s’y investissent que pour obtenir des appels d’offres, des déclassements de terrains pour leur famille ou pour eux-mêmes, ou encore des postes à rémunérations mirobolantes dans les SEM (Sociétés d’Économie Mixte), au grand dam des Réunionnais, dont 36 % vivent sous le seuil de pauvreté, soit 319 000 sur 885 700 habitants.
Elle est d’autant plus corrompue que les sièges de maire se transmettent de père en fils, sans qu’aucune opposition ne se fasse entendre, et sans qu’aucune loi ne vienne légiférer sur ce qui ressemble à la création d’une dynastie au sein de la République.
L’économie est si fragile que certains élus, pour asseoir leur pouvoir, créent une dépendance en multipliant les « petits contrats ».
Le manque de repères est devenu flagrant. La culture réunionnaise, née de la symbiose des cultures apportées par les vagues successives d’immigration, s’est effondrée, ou plutôt dissoute, tant la construction du métissage est fragile. Avec l’essor d’Internet, une grande majorité de la population s’est convertie à la culture anglo-saxonne, voire américaine, sans pour autant maîtriser la langue. Pendant ce temps, d’autres s’accrochent à des superstitions et des anachronismes qui n’ont plus de sens, créant un monde imaginaire faute de mieux. Certains se raccrochent désespérément au moring et au maloya, imbibés d’un mysticisme dont les origines seraient à chercher à Madagascar ou en Afrique, avec une touche de cultes tamouls. Sans rien y comprendre, certains se transforment en fervents adeptes de ces pratiques, révélant ainsi leur ignorance des rituels qu’elles impliquent. Face à ses inepties, l’hindouisme, fortement implanté à La Réunion, a vu des swamis venus d’Inde ou de Maurice exhorter les pratiquants à un retour aux sources spirituelles.
Vu la fragilité du territoire et le manque de repères, les sectes prolifèrent. Elles se manifestent au grand jour, allant de porte-à-porte, ou occupant des stands lors de fêtes foraines.
La Réunion est un monde en désespérance, sans repères, où circulent des drogues dures et où la violence ne cesse de croître. Dans certains quartiers, la violence est telle que même les forces de l’ordre n’osent plus y pénétrer.
Comme partout ailleurs, les réseaux sociaux asservissent la population. Du matin au soir, chacun est scotché à son smartphone. Les Réunionnais, faute de mieux, vivent par procuration à travers un écran.
La solidarité, jadis ciment de la communauté réunionnaise, s’est éteinte avec la disparition des anciens, ceux qui avaient connu la misère, toutes communautés confondues.
La Réunion est en lambeaux. Les pauvres sont plus pauvres qu’avant, et les riches, plus riches que jadis, dans une économie dominée par les Indo-musulmans et les Chinois. Les premiers contrôlent le marché du tissu, de la quincaillerie et de l’automobile, tandis que les seconds maîtrisent le marché alimentaire, sans que les « gros blancs » d’hier ne soient en reste.
Loin de l’image idyllique vendue par les offices de tourisme, La Réunion n’est plus une terre d’accueil. Si certains la qualifient de « laboratoire à ciel ouvert », elle est désormais cette terre où s’enterrent des morts vivants, et où chacun tente de tirer son épingle du jeu, au point que certains réclament même l’indépendance.
Lorsque l’on en a fait le tour, son charme disparaît. L’étroitesse de son territoire fait qu’après l’avoir visitée et comprise, l’ennui prend la place de la curiosité et la routine s’installe, laissant place au spleen.
À La Réunion, étrangers, après l’avoir visitée, surtout, repartez. Ne restez pas.