La Réunion : Lafleur, esclave malgache, pendu pour marronage
En 1752, lorsque La Réunion s’appelait encore Bourbon, l’esclavage était un moyen pour les gros blancs d’asseoir leur fortune.
Il n’y avait alors aucun scrupule à soumettre la main-d’œuvre servile aux bassesses de la bourgeoisie.
D’ailleurs, les violences faites aux esclaves ne sont guère rares et certains d’entre eux, devant la méchanceté et la perversité de leurs maîtres, préféraient prendre la poudre d’escampette plutôt que de se soumettre à leurs sévices.
C’est le cas de Lafleur, un Malgache asservi, âgé de 43 ans, qui se retrouvera devant le tribunal de la colonie pour fait de marronage.
Le 14 mars 1752, c’est devant François Armand Saige, conseiller honoraire au Conseil supérieur de la chambre criminelle, que Lafleur doit répondre de ses actes, lui qui fut d’abord esclave de Jean-Baptiste Jacquet, avant de devenir celui de Louis Godin.
Lors de cet interrogatoire, le commissaire cherche à savoir pour quelle raison, à quel moment et pour quel lieu il avait quitté la plantation.
Lafleur, qui ne sait ni lire ni écrire, fait savoir que c’est à la fin de la moisson de blé qu’il s’est rendu dans les hauts du bras des Lianes, de la rivière Dumas. Il a donc fui l’autorité de Louis Godin depuis neuf mois.
Les raisons qu’il invoque pour tenter de se défendre tiennent au fait que Louis Godin le maltraitait violemment et le privait de nourriture.
Si le commissaire lui fait alors remarquer que ces faits ont également été exposés lors de ses fuites alors qu’il était propriété de Jean-Baptiste Jacquet, Lafleur rétorque que ce n’est pas à cause des violences de son maître, mais de celles de Joseph, le commandeur.
Dans ce procès, Lafleur n’a aucune chance. C’est le pot de terre contre le pot de fer. Malgache réduit à l’état d’esclave, ce n’est pas la première fois qu’il a affaire à l’autorité judiciaire raciste de la colonie.
On l’a déjà accusé de cinq marronnages, alors que lui n’en reconnaît que trois.
Trois marronages qui lui valurent, lors de sa deuxième fuite, de se voir couper les oreilles, d’être marqué au fer rouge de la fleur de lys, puis d’être à nouveau marqué lors de la troisième fuite et de se voir couper le jarret.
Malgré ses dénégations et ses arguments, Lafleur n’a aucune chance. Par décision du 21 décembre 1753, il est condamné, d’une part, à être marqué à nouveau de la fleur de lys, d’autre part, à avoir le jarret coupé. Comme si ce châtiment ne suffisait pas, le conseil le condamne à être pendu à une potence, selon l’article 31 du Code noir, pour ce que les esclavagistes racistes de l’époque considèrent comme un crime, à savoir : le marronage.
Un fait qui montre encore une fois comment La Réunion s’est forgée sur la douleur et la souffrance de certaines ethnies soumises à l’esclavage, sans que celles-ci ne puissent en échapper, si ce n’est en tentant le marronage, toujours à leurs risques et périls.