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Nouvelle-Calédonie : leurre référendaire et bombe à retardement

La Nouvelle-Calédonie est un territoire, loin, très loin, pour que les Français de l’Hexagone et d’Outre-mer s’y intéressent. Pourtant, un drame d’une grande ampleur s’y joue et la France, pays des droits de l’homme, risque de ne pas en sortir grandie.

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie ne commence pas avec la France. Loin s’en faut, malgré que d’aucuns voudraient réécrire l’histoire en ce sens. Et pour cause : contrairement à bien des départements d’Outre-mer, l’archipel n’était pas désert lors de l’arrivée des Français sur ce territoire.

En effet, ce caillou était déjà habité par les Kanaks depuis 3 200 ans. Ce n’est que le 24 septembre 1853, sous la pression de missionnaires catholiques et sur ordre de Napoléon III, que le caillou devient, malgré les Kanaks, possession de la France.

À partir de ce moment, les Kanaks, natifs du territoire, vont subir la répression de la France d’alors. La France ne va pas manquer de réprimer dans le sang tout acte qu’elle jugerait répréhensible à l’égard des Européens.

Pour preuve, en 1856, suite à la disparition de sept chercheurs d’or français et suisses, trois villages de Houaïlou sont détruits par les navires français et pas moins d’une trentaine de villageois sont ainsi massacrés, ceci sans preuve que ces villageois soient à l’origine des disparitions.

Si au départ, la colonisation résulte de la pression des missionnaires catholiques, en 1863, Napoléon III y crée cette fois-ci un bagne ultra-marin, engrangeant un nouveau peuplement de l’archipel, toujours au détriment de ses premiers habitants, à savoir les Kanaks.

La présence de la France va impliquer de grandes spoliations de terres en 1876 au détriment des Kanaks, contribuant à la révolte de ceux-ci en 1878.

Les colons européens vont alors massacrer 2 000 Kanaks et déplacer beaucoup d’autres, favorisant l’implantation des colons autour de Nouméa et de Koné. Outre le fait de se voir spolier de leur terre et d’être mis dans des réserves, les Kanaks vont devoir subir l’humiliation d’accomplir des journées de travail obligatoire contre des salaires de misère.

De mal en pis, ceux-ci, dès 1887, seront soumis au régime de l’indigénat imposé par les colonisateurs, qui prévoit des sanctions administratives pour un certain nombre de délits. Des mesures restrictives qui favorisent, sur cette terre de nickel, une part belle aux Européens au détriment des Kanaks.

Il ne faudra attendre que 1946 pour que les règles discriminatoires à l’encontre des Kanaks soient enfin abolies, et le 22 juillet 1957 pour que le suffrage universel soit appliqué sur le territoire calédonien, un an avant que la Nouvelle-Calédonie ne devienne territoire d’outre-mer français.

Un territoire loin d’être en faveur des natifs, puisque l’État français, dans un souci de contrôler le nickel, fait main basse sur les mines qu’il entend gérer. Les natifs sont lésés en tout et pour tout depuis l’arrivée des Français sur leur caillou en 1853.

Tant et si bien que le 22 avril 1988, des Kanaks indépendantistes se révoltent, tuent quatre gendarmes à la gendarmerie de Fayaoué sur l’île d’Ouvéa et prennent en otage 27 autres. Seize d’entre eux seront retenus captifs dans la grotte de Watetö avant que François Mitterrand et Jacques Chirac, le 5 mai 1988, n’ordonnent l’assaut pour les faire libérer. Dix-neuf indépendantistes kanaks y trouvent la mort, ainsi que deux soldats français.

Apparaissent alors les accords de Matignon pour trouver une solution pacifique à cette crise. Ces accords, conclus le 26 juin 1988 par Jean-Marie Tjibaou (indépendantiste) et Jacques Laffleur (loyaliste), prévoient, outre le fait d’accorder l’amnistie dans le cadre des événements d’Ouvéa, une période de développement de dix ans et la possibilité pour les Néo-Calédoniens de se prononcer sur leur autodétermination.

C’est dans ce cadre qu’apparaissent donc les référendums d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie.

Le 4 novembre 2018 a lieu le premier référendum où le « Non » l’emporte avec 56,7 % contre 43,3 % en faveur du « Oui ».

Du fait que la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit trois votes en cas de victoire du « Non », un deuxième référendum a lieu le 4 octobre 2020. Les scores s’amenuisent avec 46,74 % pour le « Oui » et 53,26 % pour le « Non ».

C’est dans ce cadre que le 12 décembre 2021 est prévu le dernier référendum. Une date confirmée par Patrice Faure, haut-commissaire à la République, et soutenue par les loyalistes, mais décriée par les indépendantistes qui n’iront pas aux urnes, avançant la crise du Covid.

Maintenu par l’État français, soutenu par les loyalistes, boudé par les Kanaks, natifs depuis 3 200 ans du caillou, et autres indépendantistes (descendants de bagnards, de Français issus de diverses régions et là depuis des lustres), il ne fait aucun doute – vu les enjeux à la clé, surtout que le caillou reste dans le giron français (présence de nickel, zone géopolitique et géostratégique d’envergure face à la Chine) – que ce référendum, en l’état, n’est qu’un leurre, voire une bombe à retardement, en ce sens que, d’après les derniers résultats référendaires, la société néo-calédonienne est plus divisée que jamais.

168 ans après avoir colonisé illégitimement la Nouvelle-Calédonie au détriment des natifs, le fait de vouloir garder coûte que coûte ce bout de territoire au sein de la France risque de porter préjudice au pays des droits de l’homme.

Il ne fait aucun doute que les résultats d’un « Non » obtenus sans la consultation des indépendantistes vont mettre le feu aux poudres et créer des maux pires que le remède prévu par les accords de Matignon.

Il est à craindre que des troubles, des révoltes comme celles d’Ouvéa, mais en pire, voient le jour et que, de part et d’autre, des flots de sang ne se répandent sur une terre où la France n’est présente que depuis 168 ans et de façon illégitime.

Le courage des autorités françaises – dont d’aucuns se prétendent héritiers du général de Gaulle – aurait été de s’inspirer de celui-ci et de donner l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie, sans autre concession que de reconnaître les torts de la France et d’écrire une nouvelle page de l’histoire nationale, car si un drame se produisait sur ce territoire du bout du monde, elle n’en sortirait pas grandie.

Autant le général de Gaulle a eu le courage de crier « Vive le Québec libre ! », autant les leaders français devraient crier « Vive la Nouvelle-Calédonie libre ! »

(Archive article n° 5067 le 2021-11-15 à 03:41:08)

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