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Continuité territoriale : aide de 257 € pour la Corse, 16 € pour l’Outre-mer

Dans le rapport n°  (2022-2023) de M. Guillaume Chevrollier, sénateur de la Mayenne (Les Républicains) et Mme Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique (Socialiste, Écologiste et Républicain), il apparaît que l’État marque une nette différence de traitement dans le cadre de la continuité territoriale entre la Corse et les Outre-mer au point que ceux-ci demande à l’État de revoir sa copie. Ainsi dans le rapport est il écrit :

À l’issue de trois mois de travaux, trente-huit auditions, un déplacement en Guyane et un autre en Guadeloupe, les manquements de la politique de continuité territoriale apparaissent avec toute leur iniquité et leur ampleur.

Pour les ultramarins, venir dans l’Hexagone n’est pas une fantaisie, mais est devenu un luxe. À l’heure du bashing aérien, ce mode de transport n’est pas une option, mais une nécessité première pour les outre-mer, au même titre que le droit à la santé ou à l’éducation.

1.    LA DISCONTINUITÉ TERRITORIALE, UNE RÉALITÉ POUR LE PLUS GRAND NOMBRE

Or les moyens dédiés à la politique de continuité territoriale sont moins que jamais à la hauteur des attentes et des enjeux pour les territoires au moment où le prix des billets d’avion augmente fortement. Les pics tarifaires en haute saison sont devenus insupportables pour les populations. Quant au transport maritime, il alimente la vie chère.

La politique de continuité territoriale, timorée et contrainte depuis ses débuts, doit impérativement fonder une nouvelle ambition avec des stratégies rénovées.

La concurrence des compagnies aériennes a permis d’augmenter l’offre de transports et de faire baisser les prix sur la plupart des lignes vers l’Hexagone depuis dix ans. Cet acquis doit être préservé. Toutefois, le contexte inflationniste mondial et la puissante reprise de l’activité depuis 2022 ont fait bondir le prix des billets d’avion. Vers les Antilles, des tarifs bien supérieurs à 1 000 euros sont enregistrés pour l’été 2023.

Hausse des prix au départ des DROM vers toutes destinations (février 2023 / février 2022)

GuyaneGuadeloupeMartiniqueMayotteLa Réunion
+ 28,9 %+47,9 %+ 45,2 %+ 24,4 %+ 24,9 %

Une des spécificités outre-mer est la volatilité plus forte des tarifs en haute saison : +25% en juillet-août par rapport aux moyennes annuelles vers les DROM contre +14% pour les long-courriers internationaux équivalents.

Enfin, les difficultés sont doubles ou triples en raison d’une continuité intérieure ou régionale compliquée et dégradée, comme en Guyane avec les communes de l’intérieur ou vers les Antilles (un AR vers Fort-de-France parfois au prix d’un AR vers Paris), au sein de l’archipel guadeloupéen, de Saint-Barthélemy ou Saint-Martin vers la Guadeloupe, entre les îles Loyauté et Nouméa, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et son voisin canadien, entre Futuna et Wallis ou plus encore en Polynésie française avec ses myriades d’îles habitées dispersées sur une superficie grande comme l’Europe.

2- LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE : UN CAUTÈRE SUR UNE JAMBE DE BOIS

Ce n’est qu’en 2003 que les premières briques d’une politique de continuité territoriale ont été posées. Toutefois, vingt ans plus tard, force est de constater que le chantier est inachevé. Les premières briques sont toujours là, mais elles ne suffisent pas à répondre aux enjeux de l’équité, de l’égalité des chances et de l’indivisibilité de la République.

L’effort budgétaire annuel de l’État demeure comprimé entre 35 et 52 millions d’euros selon les années. Il finance plusieurs types d’aides s’adressant à des publics différents : étudiants, sportifs, personnes en formation, continuité funéraire, grand public. Les conditions de ressources sont très strictes et limitent fortement les publics bénéficiaires. La fréquence des aides est aussi insuffisante. Le manque d’ambition est constant et se traduit dans les résultats : 84 371 bons pour l’aide à la continuité territoriale (ACT), la plus demandée, délivrés en 2012, 22 838 en 2019 et 48 035 en 2022.

Ces manquements apparaissent plus crûment à la lumière d’autres expériences en France ou dans l’Union européenne. L’exemple corse est une illustration d’une politique ambitieuse de continuité bénéficiant au plus grand nombre.

Comparaison de l’effort budgétaire en faveur de la continuité territoriale aérienne (euros/hab)

 Espagne/Baléares, Canaries, Ceuta[1]Portugal/Madère, Açores[2]France/CorseFrance/Outre-mer
Dépense/hab des outre-mer ou insulaire2233425716
[1] Réduction de 75 % pour tous les résidents.
[2] Le Portugal a un système de tarif résident plafond. Chiffres de 2015. En 2019, le coût de la subvention sociale de mobilité s’élevait à 70 millions d’euros en raison, selon les autorités, de probables fraudes massives, plutôt qu’à une hausse du nombre de bénéficiaires légitimes.

Depuis 2021, on observe néanmoins les prémices d’un nouvel élan. La loi de finances pour 2023 a ainsi augmenté les crédits budgétaires de 8 millions d’euros pour financer notamment la revalorisation des montants de l’aide à la continuité territoriale. Ces crédits doivent aussi permettre de financer le retour des demandes d’aides en provenance de La Réunion, les Réunionnais ayant cessé de solliciter ces aides entre 2015 et 2020 en raison d’un dispositif régional beaucoup plus ambitieux qui a pris fin en 2021.

S’agissant des aides au fret, elles ne répondent absolument pas à l’enjeu de la vie chère, en particulier dans les contextes de double ou triple insularité, et sont avant tout des soutiens au développement de filières locales de production.

3.  LADOM, UN BRAS ARMÉ À MUSCLER

Présente dans les 5 DROM et s’appuyant sur des antennes réparties dans l’Hexagone, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) gère le fonds de continuité territoriale depuis 2010. Toutefois, cet établissement n’a jamais réellement défini et piloté une stratégie, s’attachant plutôt à ajuster des dispositifs en fonction des contraintes budgétaires permanentes.

LADOM peine donc à s’imposer comme l’opérateur de référence de la mobilité dans les outre-mer. Les aides sont souvent mal connues. L’instruction des dossiers est complexe pour beaucoup de demandeurs. Certaines procédures sont obsolètes comme les bons papiers. Par ailleurs, LADOM est absente de plusieurs outre-mer, en particulier dans le Pacifique. Les antennes situées en Hexagone sont sous-exploitées.

Toutefois, une phase prometteuse s’ouvre avec le projet stratégique « LADOM 2024 », en cours d’élaboration avec une équipe dirigeante renouvelée.

Cinq   défis   doivent           être     prioritairement relevés : renforcer la présence et l’accessibilité dans tous les outre-mer, mieux communiquer auprès des publics cibles, engager un choc de simplification des procédures administratives et du      traitement       des      demandes,      développer l’accompagnement des étudiants ultramarins, et enfin faire émerger un pilotage stratégique en lien direct avec les territoires pour répondre à leurs besoins, notamment en déployant une politique dynamique de retour au pays. 

Les premières annonces lors de l’audition de LADOM le 16 février 2023 semblent aller dans ce sens.

4.  LES 12 RECOMMANDATIONS

La continuité territoriale au service des territoires

  1. Faire un plein usage de l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) afin de faciliter l’approvisionnement direct des RUP françaises dans leur environnement régional, par dérogation à la norme CE.
  2. Engager un plan de modernisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires dans les outremer.
  3. Revoir le financement des DSP régionales ou locales contribuant à la continuité territoriale en portant la participation de l’État à 50 % sur les lignes dépourvues de liaisons routières.
  4. Soutenir et amplifier, en partenariat avec les collectivités ultramarines, les dispositifs accompagnant ou encourageant le retour des jeunes actifs sur les territoires et placer cette priorité au cœur de LADOM 2024.

Des aides renforcées pour les ultramarins

5. Renforcer l’aide à la continuité territoriale en :

6. Rendre effective l’ACT spécifique au profit des sportifs et artistes en :

7. Lever les freins actuels à une continuité funéraire apaisée en :

8. Muscler le passeport pour la mobilité des études (PME) en :

9. Simplifier l’aide au fret et étudier les conditions d’une aide au fret sur les produits de consommation courante qui ne fragiliserait pas les productions locales.

Vers un tarif résident

10. Réduire l’impact de la saisonnalité des prix des billets d’avion grâce à un tarif plafond pour les résidents.

Réformer LADOM

11. Simplifier toutes les procédures de LADOM, notamment en proposant la digitalisation des bons de voyage utilisables auprès des compagnies aériennes.

12. Mettre LADOM au service des projets de territoire définis par les collectivités ultramarines dans le cadre de partenariats financiers et stratégiques pluriannuels, voire dans le cadre de groupements d’intérêt public (GIP).

 

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