Réunion

La franc-maçonnerie dans le viseur de certains jeunes Réunionnais

Beaucoup de légendes existent à La Réunion. Mais il en est une qui interpelle. Celle que certains jeunes véhiculent dans leurs discours en parlant de la franc-maçonnerie.

Il faut dire que cette société discrète mais non secrète comme la fantasmagorie lui prête, ne fait rien pour arranger les choses à moins que ce ne soient les jeunes eux-mêmes qui se contentent de reprendre pour de l’argent content ce dont on a bien voulu leur dire.

Clément XII

Ainsi, dans la bouche de beaucoup de jeunes avec qui nous avons pu discuter, il apparait que la franc-maçonnerie regrouperait des gens riches et puissants qui se livreraient aux pires exactions comme le fait d’enlever des enfants pour les violer, les faire souffrir et boire leur sang qui contiendrait après moult violences de l’adrénochrome une drogue, disent-ils issue de l’oxydation de l’adrénaline.

Cette théorie, on l’a bien compris, est issue des réseaux complotistes où le sensationnel a forcément pignon sur rue et est fort digeste pour des personnes facilement manipulables et ce d’autant plus, comme le disait Jean de La Fontaine, que « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ».

Pour absurde que soit cette théorie, il n’en demeure pas moins, qu’elle est bien ancrée chez certains jeunes Réunionnais qui n’en démordent pas.  Peu soucieux de la vérité, ils y croient dur comme fer. La franc-maçonnerie c’est une secte satanique.

In eminenti apostolatus specula

Ainsi, pour eux, les francs-maçons gouverneraient le monde par leurs puissances occultes. S’il est vrai que des hommes politiques de divers pays ont pu accéder à la magistrature suprême, ces jeunes omettent, voire ignorent que c’est dans un cadre légal et que la franc-maçonnerie participe aux principes de la démocratie et au libre arbitre.

Nourris à la lumière des réseaux sociaux complotistes du 21ème siècle, ils ignorent encore que la haine de la franc-maçonnerie qu’ils ont, n’émane pas forcément d’eux. En effet, au XVIIIème siècle déjà, le pape Clément XII dans sa bulle « In eminenti apostolatus specula » du 28 avril 1738 condamne déjà ceux qui se disent « Liberi muratori ou francs-maçons » à l’excommunication.

D’ailleurs, l’église catholique n’a pas le monopole de cette haine puisque lors de la seconde guerre mondiale, le gouvernement de Vichy, allié des nazis, va lui emboiter le pas en promulguant diverses lois pour interdire toute appartenance à la franc-maçonnerie.

En 1940, le 13 août, une loi vient dépouiller la franc-maçonnerie française de tous ses biens et interdit à tout fonctionnaire d’appartenir à quelle qu’obédience que ce soit.

JORF du 14 août 1940

Le 11 août 1941, le journal officiel publie le nom des hauts gradés de la franc-maçonnerie et fait perdre à des milliers de Français leur emploi ou leur mandat d’élu du seul fait de leur appartenance à des loges maçonniques.

On peut supposer que dans l’inconscient collectif de ces jeunes tout un mécanisme de méfiance à l’égard de la franc-maçonnerie s’est figé, nourri par toutes les légendes urbaines et l’histoire sournoise que d’aucuns leur ont inculquée sans qu’ils ne puissent vérifier par eux-mêmes la véracité.

JORF du 12 août 1941

Clément XII n’a-t-il pas condamné la franc-maçonnerie du seul fait du serment d’allégeance au secret et à l’entraide entre frères bien qu’on puisse d’après les dernières découvertes supposer qu’il ait aussi signé un document que la curie lui aurait présenté sans qu’il ne sache exactement ce qu’était la franc-maçonnerie.

Mais, au sortir de cet entretien,  il n’en demeure pas moins que l’image que se font ces jeunes de 20 ans sur la franc-maçonnerie ne manque pas d’interpeller tant les informations sont erronées et tant ils tiennent pour acquis ce qui leur a été conté.   

Cette méconnaissance si elle peut leur être pardonnée reste toutefois dangereuse quand on sait la perversité de celle-ci dans notre rapport à l’autre comme ce fut le cas à l’égard des Israélites entre 1939 – 1945, qui, du fait de propagandes nazies nauséabondes, finirent par être déportés, tués, gazés par millions.

D’un autre côté, quand bien même pourrait-on leur pardonner en ce que l’erreur est humaine on ne peut toutefois ignorer qu’y persévérer est diabolique comme le dit si bien le dicton latin “errare humanum est, perseverare diabolicum”.

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