Tribune

Air Mauritius, Air Austral, je t’aime, moi non plus !

La crise qu’Air Mauritius vient de traverser, après celle de la Covid, les pannes d’avion, le passage du cyclone Belal où près de 4000 passagers Réunionnais sont restés bloqués notamment à Maurice et en Inde ; m’amène à un certain nombre de réflexions en écho à la fermeture par Air Austral en mars 2023 de notre seule liaison directe avec l’Inde.

Voilà donc 2 compagnies l’une Mauricienne et l’autre Réunionnaise qui ont été récemment et notablement renflouées. Respectivement l’une par le gouvernement mauricien et l’autre par le gouvernement français qui dans le cadre du « quoi qu’il n’en coûte » a effacé d’abyssales dettes, tout en offrant un pont d’or à un pool d’actionnaires locaux.

N’oublions-pas aussi qu’avec la Sematra, actionnaire majoritaire public, nous, Réunionnais avons payé plein pot et continuons partiellement à payer 2 fois notre billet d’avion à savoir une fois en tant que citoyen « impôsé » et l’autre en tant que consommateur taxé !!

Certes politiquement la volonté affichée est de promouvoir la coopération régionale, le désenclavement, avec les pays de la zone etc., volonté rappelée notamment par l’éphémère ministre de l’outremer M. Carenco et le principal actionnaire privé de la société Run Air.

Aux côtés des historiques institutionnels tels que la Région et le Département, à grand renfort de communication, cette destination directe indienne était incontournable et devait être maintenue !

Mettons en parallèle les 9 connexions d’Air Mauritius avec l’Inde par semaine, plus précisément 6 avec Mumbaï, 3 avec Delhi et bientôt à venir en avril 2024 une liaison avec Chennaï soit 10 possibilités par semaine !!

Et nous « cousins » réunionnais n’arrivons même pas à maintenir une seule destination vers l’Inde celle de Chennaï lancée en 2013. Chercher l’erreur !!

Pas rentable pour nous et rentable pour eux ?

Au final pour cause de restructuration économique, la seule destination directe vers l’Inde, continent pesant de plus en plus sur l’échiquier mondial à  5H45 de vol de chez nous et sous peu classé 3ème puissance économique mondiale, fut malheureusement sacrifiée pour des raisons de rentabilité et/ou stratégiques mais bizarrement celle des Seychelles aussi déficitaire fut relancée !

Encore une fois chercher l’erreur !!! Notre île de la Réunion et notre compagnie Air Austral subissent-elles des dommages collatéraux, ou les conséquences d’erreurs de management ou bénéficient-elles de petits arrangements ?

Quand nous voyons les prix exorbitants pratiqués sur le segment Réunion /Maurice, qui pour votre information est le kilomètre volé le plus cher au Monde, vous comprendrez aisément ce que l’on nomme un duopole à savoir une entente entre « concurrents «  qui se partagent le marché, prend tout son sens.

Alors y-a-t-il entente entre la France et Maurice dans ce partage du ciel régional ?

Le monopole mauricien actuel de la déserte vers l’Inde au détriment de la Réunion, ne font pas réagir nos décideurs locaux politiques et économiques qui renvoient la balle vers l’Europe, le ministère de l’aviation civile, le ministère d’outremer etc.

Mais alors à quoi sert la COI ? La Réunion ne siège-t-elle pas dans cette commission de l’océan indien ? Ne sommes-nous toujours pas capables d’avoir une politique régionale concertée, raisonnée en matière de transports au service de nos populations ?

Selon le directeur de notre chère compagnie régionale : sur un quantitatif annuel de près de

13000 passagers à destination de Chennaï, ils manquaient à l’appel environ 1600 passagers pour atteindre le seuil de flottaison. !

Or ces statistiques sur lesquelles nos éminents décideurs se sont appuyés, dataient de la sortie du blocus Covid, juste à la reprise de fin 2021 sans prendre en compte le redémarrage en 2022.

Ajoutons à cela que nous Réunionnais pour certaines et certains « d’éminent(e)s indianistes » dont celles et ceux qui organisent régulièrement des voyages vers l’Inde, sous couvert de quelques petits avantages glanés auprès de la compagnie mauricienne ; n’ont pas en son temps soutenu pleinement la ligne directe vers Chennaï d’Air Austral ! Ces mêmes qui maintenant, peut-être un peu trop tard, se plaignent du prix, des escales, de la durée des vols vers l’Inde pratiqués par la compagnie sur laquelle ils volaient.

Voilà donc 2 petites économies insulaires face à une telle étroitesse de marché, réalité qui devrait en fait nous imposer plus d’humilité et éviter ainsi une excessive tendance à se croire comme «  la grenouille qui voulait être plus grosse que le bœuf ! »

Tout en gardant son identité propre rien n’empêcherait donc ces 2 compagnies à s’entendre sur le partage des destinations en tenant compte notamment de leur sociologie réciproque à savoir pour Maurice une population d’origine indienne majoritairement issue du Nord de l’Inde, alors qu’à l’inverse la Réunion compte une majorité de sa composante indienne issue du bassin Sud à savoir le Tamil Nâdou. 

La fragilité actuelle des 2 compagnies voisines a été notamment mise en exergue lors des évènements exceptionnels tels que la crise COVID, les pannes d’avion, les cyclones. 

Cela nécessite donc une vision régionale india-océanique, une mise en commun qui par la force des choses s’est exprimée lors de la récente crise mauricienne ; Air Austral volant au secours d’Air Mauritius en aidant au rapatriement des milliers réunionnais bloqués à Maurice à la veille de la dernière rentrée scolaire.

Alors pourquoi nos compagnies ne sont-elles pas prêtes à franchir le pas ? L’adage diviser pour régner s’applique là encore dans le domaine aéronautique au profit d’autres consortiums, d’autre lobby, en raison également de certaines visions politiques étriquées. Nos compagnies n’ont aucun pouvoir décisionnaire, ni financier extensible et sont donc soumis aux gros concurrents et aux diktats réglementaires. Elles n’ont pas de surface financière suffisante, sont dépendantes et n’ont pas de poids afin de pouvoir rapidement louer des avions de remplacement en cas d’incident ou de problème etc.

Même si ces 2 compagnies font respectivement la fierté de leur population, la leçon que nous devons tirer de ces expériences négatives serait de travailler en bonne intelligence à un partage du ciel, en étant bien évidemment compétitives en termes de tarification et non s’appliquer des marges excessives.

Je n’ose même pas penser à la création d’une compagnie régionale regroupant les îles voisines (cf. Air Caraïbes) telles que Madagascar, les Seychelles, Mayotte, Maurice et la Réunion par exemple !

Idem pour une compagnie maritime régionale qui approvisionnerait nos îles limitrophes en containers et autres produits nécessitant un transport maritime !!

Les marchandises, les containers voyagent sans arrêt subissant de continuelles hausses, les  humains voyagent de plus en plus à des tarifs en constante augmentation et pourtant en économie on parle d’économie d’échelle, de productivité etc. Alors comment minimiser nos coûts d’approche, de déplacement, améliorer notre mobilité en se basant sur un marché élargi ?

L’union fait la force !

A méditer.

Daniel Minienpoullé

 Client de nos 2 lignes aériennes régionales.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *